TRIBUNE Le Figaro – Les Républicains ont dévoilé, samedi 20 mai, un plan inédit censé mettre fin au «chaos migratoire français». La vice-présidente exécutive de Reconquête! déplore des omissions et se montre sceptique concernant la faisabilité et l’efficacité de leur proposition de «bouclier constitutionnel».
Le 20 mai dernier, les dirigeants de LR dévoilaient leur projet sur l’immigration. À la lecture de ce énième plan, beaucoup de Français doivent se demander pourquoi les mêmes LR n’ont pas appliqué ces belles mesures lorsqu’ils étaient aux affaires. Ils en ont même contredit une partie: nous leur devons ainsi la suppression de la «double peine», dont ils réclament le retour.
Si l’on peut se féliciter que la question vitale de l’immigration revienne enfin au centre des débats, ce projet souffre néanmoins de deux écueils majeurs.
Les Républicains refusent d’abord de briser des tabous pourtant incontournables. La priorité nationale est éludée, l’extension de la déchéance de nationalité aux délinquants et criminels ou la nécessité de bénéficier d’un emploi stable pour rester en France n’apparaissent pas davantage. On cherchera en vain la suppression du droit du sol, qui n’est envisagée qu’à Mayotte…, ou la dénonciation des accords migratoires de 1968, qui permettent actuellement aux Algériens de bénéficier de règles d’entrée et de séjour très favorables.
Au-delà de ces graves omissions, c’est surtout le fameux «bouclier constitutionnel», qui consiste à inscrire dans la Constitution la supériorité de celle-ci sur le droit européen et international, qui interroge sur sa portée réelle. Entendons-nous: je mesure l’intérêt symbolique, et donc politique, de cet acte volontariste d’affirmation de soi face aux dérives de l’Union européenne.
Scandaleuses jurisprudences
Si je partage donc l’objectif affiché, pouvoir limiter drastiquement le nombre d’entrées sur notre territoire, je ne partage pas la méthode.
Commençons par dire qu’une réforme constitutionnelle est indispensable, puisque le Conseil constitutionnel lui-même limite la souveraineté du Parlement en matière d’immigration. Il a notamment sanctuarisé le principe du regroupement familial et interdit de pénaliser l’aide aux clandestins. Il n’y a donc pas d’autres chemins que de voter une loi constitutionnelle pour contrer ces scandaleuses jurisprudences, souvent très éloignées du texte initial et toujours favorables aux immigrés.
Mais soyons clairs, intégrer un principe de souveraineté migratoire dans la Constitution entrerait immédiatement en conflit avec l’ensemble des normes européennes et internationales en la matière.
En France, c’est bien davantage avec nous qu’avec des LR liés à Bruxelles aux centristes et socialistes que nos amis européens souhaitent construire un avenir protecteur pour nos enfants
Prétendre retrouver la souveraineté migratoire par le seul biais d’une réforme constitutionnelle nationale, en faisant fi de la question de notre adhésion aux engagements supranationaux que cette réforme est censée contrer, est juridiquement illusoire et donc politiquement trompeur.
D’une part, parce que, au quotidien, ce sont les juridictions françaises qui font primer le droit international sur la loi nationale. La conclusion est simple: quand bien même une loi de restriction de l’immigration serait conforme à une Constitution réformée, le juge français écartera son application s’il estime qu’elle viole un engagement international.
D’autre part, parce qu’il y va de la crédibilité internationale de notre pays et du respect de sa voix dans le concert des nations. Même les États-Unis ne s’exonèrent pas d’une règle résultant d’un engagement international qu’ils ont signé. Lorsque Donald Trump a voulu s’affranchir des contraintes d’émissions de gaz à effet de serre résultant de l’accord de Paris, il a scrupuleusement respecté la procédure de retrait.
Le manque de courage
Si nous voulons cesser d’appliquer en droit français une norme internationale résultant d’un engagement passé de la France, il n’y a en réalité que deux voies ouvertes: le dénoncer ou le renégocier. C’est par la négociation que le Danemark a obtenu un statut dérogatoire qui lui permet aujourd’hui de mener une politique beaucoup plus ferme que la France en matière d’immigration. Si leur statut a été obtenu avant l’adoption du traité, rien n’empêche la France d’exiger la renégociation des règles qui nous lient actuellement.
Encore faut-il pour cela mettre dans la balance le mandat des Français reçu par référendum et l’alliance avec d’autres pays partageant le même souhait. Soyons en assurés, si demain les dirigeants français avaient le courage de renégocier les traités nous liant et nous incapacitant sur la question migratoire, ils ne seraient pas seuls. De nombreux pays viendraient pousser en mêlée pour obtenir, eux aussi, la maîtrise de leur politique migratoire. Partout en Europe, nos amis conservateurs en Italie, en Espagne, en Hongrie, en Pologne, en Suède, en Finlande gouvernent ou s’apprêtent à le faire: pour la première fois, nous pouvons envisager une majorité pour rompre avec le laxisme migratoire. Et en France, c’est bien davantage avec nous qu’avec des LR liés à Bruxelles aux centristes et socialistes que nos amis européens souhaitent construire un avenir protecteur pour nos enfants.
Pour régler la question migratoire, nous avons donc deux priorités: bâtir une coalition européenne majoritaire pour renégocier les traités et changer fermement nos règles nationales.
La bonne nouvelle, c’est que de nombreuses marges de manœuvre existent pour réduire l’immigration sans être entravé par le droit européen ou international: le nombre de délivrance des visas, la prise en charge médicale, les accès aux aides sociales non contributives, les subventions aux associations promigrants… relèvent du domaine national.
Ici, la seule chose qui nous lie les mains est bien le manque de courage politique.
Marion MARÉCHAL,
Vice-présidente exécutive de Reconquête,
co-fondatrice de l’ISSEP