Conseil d’Etat contre Cnews : pluralisme ou socialisme ?

Tribune publiée dans le JDD le 17 février 2024

C’était il y a à peine plus de 10 ans. Au printemps 2013, la France bien élevée de la « Manif pour tous » découvrait la raideur d’un gouvernement qui n’avait pas envie de l’écouter, encore moins de l’entendre. Entre charges de CRS et nuées de gaz lacrymogène, une jeunesse en sweatshirt bleu et rose laissait jaillir sa colère en scandant « Dictature socialiste ! ». S’il était sans doute exagéré s’agissant de la présidence Hollande, ce cri du cœur témoignait du sentiment d’être écrasé par la violence et la toute-puissance d’un Etat socialiste.

Lors de la dernière élection présidentielle, le PS a touché le fond avec les 1,75% recueillis par la candidature d’Anne Hidalgo. Cela signifie-t-il pour autant que les socialistes n’exerceraient plus aucune influence sur nos institutions, nos lois et donc notre société ? Loin s‘en faut : boudés par le peuple, battus dans les urnes, les socialistes continuent de régir nos vies et de peser sur notre démocratie.

Des exemples ? Trois dates très récentes.

Le 4 janvier 2024, la Cour des comptes publiait son rapport sur la « politique de lutte contre l’immigration irrégulière ». Dans son rapport, la Cour estime que la réponse du gouvernement est « inefficace » eu égard aux « moyens importants qui lui sont alloués », avec 1,8 milliard d’euros par an. Le problème ? La communication de cette étude était initialement programmée le 13 décembre 2023, mais le président de la Cour des comptes a décalé cette sortie pour ne pas qu’elle interfère avec le vote de la « loi immigration ». Celui-ci a assumé cette position dans les colonnes de Libération, « Il y aurait eu un déluge de réactions qui n’auraient pas alimenté le débat mais les passions ». Qui est donc ce président de la Cour des comptes estimant qu’informer les élus et citoyens serait dangereux et alimenterait « les passions » ? Le socialiste Pierre Moscovici, ancien député et ministre, qui fut même directeur de campagne de François Hollande en 2012.

Le 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel rendait sa décision sur ladite « loi immigration », censurant pas moins de 35 articles d’un texte qui n’était déjà pas grand-chose et dont il ne restera à peu près plus rien, si ce n’est la facilitation des régularisations de clandestins pour les métiers en tension (évaluée à 10 000 régularisations annuelles supplémentaires par Gérald Darmanin lui-même). Ce 25 janvier, les Français auront compris que ce ne sont plus leurs représentants élus qui décident de la politique migratoire du pays. Celle-ci est désormais entre les mains de sages trouvant par exemple contraire à la Constitution que le Parlement puisse décider des quotas annuels d’immigration ou encore considérant comme un cavalier législatif le fait qu’une « loi immigration » mentionne le fait que les étudiants étrangers doivent justifier du caractère sérieux de leurs études. Qui est donc le président du Conseil constitutionnel ? Le grand hiérarque socialiste Laurent Fabius, qui fut ministre, président de l’Assemblée et Premier ministre.

Le 13 février 2024, saisi par l’association Reporters sans Frontières, le Conseil d’État a jugé que, « pour apprécier le respect par une chaîne de télévision (…) du pluralisme de l’information, l’Arcom doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes ». Ainsi, l’Arcom devra réexaminer sous 6 mois la demande de mise en demeure effectuée par Reporters sans Frontières à l’encontre de Cnews, et donc proposer une solution pour prendre en compte l’ensemble des intervenants – « y compris les chroniqueurs, animateurs et invités » – et pas uniquement les personnalités politiques. Et il faut voir François Jost, auteur du rapport sur Cnews pour Reporters Sans Frontières, expliquer que pour répondre à cette nouvelle obligation, l’Arcom pourrait par exemple envisager de demander aux chroniqueurs et animateurs de déclarer leurs sympathies politiques. Une folie ? Oui. En mai dernier, Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom, déclarait sur France 5 : « Je ne connais pas d’autorité administrative dans une démocratie qui commence à contrôler les journalistes. (…) Je crie attention danger. » Qui est donc le président du Conseil d’Etat sous la mandature duquel a été prise cette décision dont les retombées inquiètent jusqu’à l’ancien patron du Nouvel Obs et de Libération Denis Olivennes ? Moins connu que les deux précédemment évoqués, Didier-Roland Tabuteau n’en est pas moins socialiste : il a dirigé les cabinets ministériels de Bernard Kouchner, Claude Evin ou encore Martine Aubry.

Alors, défense du pluralisme ou censure socialiste face à Cnews ? Le profil du président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, ayant rendu la décision, ne plaide pas non plus dans le sens de la liberté d’information et d’opinion. Christophe Chantepy est aussi passé par les ministères socialistes, les campagnes de Ségolène Royal et François Hollande, et a dirigé le cabinet du Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

Loin des alcôves du Palais Royal, les téléspectateurs continuent de plébisciter Cnews, première chaîne d’info pendant 4 journées consécutives cette semaine. Loin aussi des sages de la rue de Montpensier, nos compatriotes répètent sondage après sondage leur refus de l’immigration de masse. Peut-on continuer ainsi avec de hautes juridictions qui pensent si loin des Français, si ce n’est même contre les Français ? Sans crier à la dictature, on peut néanmoins dénoncer le caractère a-démocratique de telles décisions qui viennent poser – au-delà du combat culturel et politique évident – une question de souveraineté profonde.