La rumeur enflait depuis plusieurs semaines. À l’occasion du meeting d’Eric Zemmour à Toulon, ce dimanche, Marion Maréchal officialise son ralliement au candidat de Reconquête !. Pour Valeurs actuelles, elle explique les raisons de ce ralliement.
Par Anne-Sophie Retailleau, Geoffroy Lejeune, Raphaël StainvillePublié le 6 mars 2022 à 16h00
Valeurs actuelles. De nombreuses rumeurs vous prêtent la volonté de soutenir Éric Zemmour à l’élection présidentielle. Qu’en est-il ? Avez-vous pris une décision ?
Marion Maréchal. Oui, j’ai pris la décision de soutenir Éric Zemmour pour l’élection présidentielle. Je rejoins le candidat que je considère aujourd’hui être le mieux placé pour mener les idées que j’ai toujours défendues à la victoire. Je viens en alliée dans ce grand rassemblement des droites qu’il appelle de ses vœux, et dont sa campagne dessine déjà les contours. Et, je l’espère, demain dans le cadre d’une majorité présidentielle.
Quelles ont été les étapes de la réflexion qui vous a conduit aujourd’hui à ce choix ?
J’ai appris qu’Éric Zemmour souhaitait véritablement être candidat avant l’été. Contrairement à certains, qui balayaient d’un revers de main cette hypothèse, je l’ai toujours prise au sérieux.
J’étais d’abord absolument convaincue qu’un espace politique avait été délaissé depuis des années, notamment du fait des choix idéologiques et stratégiques du Rassemblement national. On le sait, la moitié des électeurs du RN ne sont jamais revenus aux urnes depuis l’élection présidentielle de 2017. Et je ne parle même pas des électeurs LR dont une partie est allée chez Emmanuel Macron ou s’est réfugiée dans l’abstention. La nature a horreur du vide, c’est vrai aussi en politique.
A partir du moment où Éric Zemmour, avec sa notoriété, sa personnalité et son franc-parler, avait l’intention de se saisir de cet espace politique, l’option ne me semblait pas folle et encore moins perdue d’avance. J’ai observé avec intérêt le début de sa campagne. Et si j’ai pu un temps plaider pour une candidature unique derrière le mieux placé du camp national, je constate comme chacun que cette union n’a pu se faire. Un choix s’impose donc aujourd’hui.
L’écart dans les sondages est aujourd’hui peu significatif sur le plan politique. Parce que la politique n’est pas une photographie de chiffres, c’est de la dynamique.
Pourquoi donc choisir plutôt Zemmour que Le Pen ?
Depuis maintenant plusieurs semaines, je considère que l’écart dans les sondages, le plus souvent situé dans la marge d’erreur et fluctuant au profit de l’un ou l’autre, est peu significatif sur le plan politique. Parce que la politique n’est pas une photographie de chiffres, ce n’est pas du statique. Tout au contraire, c’est de la dynamique, c’est de la perspective, du potentiel.
On sait désormais que le ticket d’entrée au second tour sera très bas. Aujourd’hui, je considère qu’Éric Zemmour est le mieux placé pour se qualifier et créer la surprise au second tour. Il a des cartes en main dont d’autres ne disposent pas.
De quelles cartes dispose-t-il que Marine Le Pen n’aurait pas ?
Eric Zemmour semble le seul à pouvoir abattre le mur électoral qui s’était dressé peu à peu entre différentes catégories socio-professionnelles françaises. Depuis des années, nous étions prisonniers d’une sorte de néo lutte des classes politique, électorale, cristallisée dans le vote RN et LREM.
Cette opposition a figé dans les urnes les fractures françaises à la fois sociales, territoriales et générationnelles. Le résultat est que différentes catégories de la population ne se comprenaient plus, ne se parlaient plus et étaient incapables de se retrouver dans un projet commun. Pour simplifier, les mouvements politiques ont alimenté, exacerbé par les programmes et par leur dialectique l’opposition entre périphérie et métropole, Français des villes et Français des champs, oubliés de la mondialisation et gagnants de la start-up nation. C’est le récit du « peuple contre les élites », et inversement. C’est en réalité non seulement un enfermement mais même une impasse.
Cette opposition, Marine Le Pen l’a traduite par sa stratégie « bloc élitaire contre le bloc populaire » et Emmanuel Macron l’a traduite politiquement par l’affrontement « populistes contre progressistes ». Le problème, c’est que c’est un schéma qui lui convient parfaitement, car il en est le grand gagnant !
En construisant un projet pour tous, en utilisant une autre dialectique, Eric Zemmour a réussi à réunir des Français de tous milieux et de toutes conditions. Il est en train d’abattre ce fameux mur électoral dont je vous parlais. C’est une très bonne nouvelle pour les défenseurs de l’unité nationale que nous sommes.
Eric Zemmour est parvenu à mettre en musique ce rassemblement des droites que j’appelle de mes vœux depuis longtemps, en attirant dans son sillon des électeurs et des élus issus du RN, de LR et d’ailleurs.
Quelles sont les autres atouts d’Éric Zemmour ?
La deuxième carte qu’il a en main, c’est qu’il est parvenu à mettre en musique ce rassemblement des droites que j’appelle de mes vœux depuis longtemps, en attirant dans son sillon des électeurs et des élus issus du RN, de LR et d’ailleurs. Qu’on s’entende : je n’ai jamais considéré que cette union des droites était un objectif, un absolu, mais en revanche c’est un préalable, un chemin vers le rassemblement des Français et la victoire de nos idées.
Sa troisième carte, c’est qu’il a fragilisé le cordon sanitaire. Quand on voit des profils comme Éric Ciotti, François-Xavier Bellamy, Etienne Blanc et d’autres sénateurs LR expliquer qu’en cas de 2e tour entre Éric Zemmour et Emmanuel Macron, ils voteraient pour lui, c’est un signal politique et symbolique très fort. Cela laisse présager de réserves de voix importantes. Eric Zemmour n’est pas dans un corner électoral.
Par-delà ces considérations de sociologie électorale, votre choix n’est-il pas d’abord un choix intellectuel ?
Vous avez raison. Ce qui me frappe d’abord chez Eric Zemmour, c’est sa cohérence et sa vision. Mon choix est une adhésion idéologique. Je retrouve chez Éric Zemmour beaucoup de positions que je défendais au sein du RN, sans être nécessairement entendue, notamment sur l’économie, l’Europe, les sujets dits sociétaux. J’admire également son courage intellectuel, c’est un homme qui se ne laisse pas intimider par le terrorisme intellectuel du politiquement correct. C’est un atout considérable car cette pression pousse souvent les hommes politiques aux compromissions dans les idées et aux renoncements dans les actions. Avec lui, je sais que ce ne sera pas le cas.
Surtout, je partage avec lui cette idée que le combat civilisationnel est le premier des combats. A travers le combat civilisationnel, j’entends bien sûr la question migratoire, culturelle et démographique. La politique de civilisation que j’appelle de mes vœux comporte ces trois angles.
Pour toutes ces raisons, je n’ai pas aujourd’hui l’impression de suivre un parti politique, mais de suivre mes convictions. C’est cela qui a fini par me décider. Je suis là où tout me dit que je dois être.
Mon choix est une adhésion idéologique. Je retrouve chez Éric Zemmour beaucoup de positions que je défendais au sein du RN, sans être nécessairement entendue.
Vous avez été accusée, avant même d’avoir rallié Éric Zemmour, de trahison. Que répondez-vous ? Qu’est-ce qui dans les positions de Marine Le Pen, que ce soit sur le plan des idées, ou de son positionnement stratégique, vous a conduit à considérer que quelqu’un d’autre était mieux placé ?
C’est une accusation surprenante à plus d’un titre, et bien sûr décevante et même blessante.
J’avais déjà déclaré publiquement, en 2020, que je n’avais pas l’intention de revenir au RN. J’avais trop mesuré les limites structurelles, selon moi impossibles à réformer, de mon ancien parti.
Je considère qu’il ne sert à rien de réaliser de bons scores aux élections si ceux-ci ne peuvent déboucher sur une victoire. Cela contribue au renforcement du système que nous sommes censés combattre et fige le paysage politique en bloquant toute perspective de recomposition.
A l’inverse, je vois, dans ce qui a été construit en quelques mois par Éric Zemmour, les bases de ce qui peut constituer une droite de gouvernement.
Enfin, je ne vois pas comment on pourrait parler de trahison. Lorsque j’ai arrêté la politique en 2017, j’ai quitté toutes mes fonctions nationales et locales au sein du RN, je ne me suis pas représenté à la députation, et j’ai même démissionné de mon mandat régional qui aurait pu courir jusqu’en 2021. Je ne suis plus adhérente du RN depuis plusieurs années. Finalement, j’ai suivi une grande partie des électeurs RN qui, eux aussi, ont quitté le parti depuis 2017.
Avez-vous voté pour le RN lors des élections intermédiaires entre 2017 et aujourd’hui ?
Je n’avais pas répondu à cette question à l’époque, je n’y répondrai pas davantage aujourd’hui. Mais je ne considère pas que, parce que j’appartiens à la famille Le Pen, s’impose à moi une fidélité quasi-génétique au parti. C’est absurde, un parti est un outil, il n’a jamais été une fin en soi, pas davantage une rente…
Un parti est un outil, pas une fin en soi, pas davantage une rente…
Il y a un mois, la presse a affirmé que vous aviez pris votre décision et Marine Le Pen s’en est émue publiquement, parlant de « trahison » et évoquant une peine personnelle.
Je crois qu’aujourd’hui tout le monde a compris que cela relevait d’une médiocre manœuvre, et d’ailleurs, lorsque sont parus ces articles, je n’avais pas encore pris ma décision. Il a été dit ou soufflé par certains cadres du RN que j’envisageais de rejoindre Eric Zemmour car l’école que je dirige, l’ISSEP, se porterait mal financièrement. Je me serais donc vendue « pour un plat de lentilles ». Que les choses soient claires : j’ai apporté la preuve par voie d’huissier que l’ISSEP se portait économiquement très bien et mon soutien est évidemment bénévole….
Ensuite, je n’irai pas pour ma part sur le terrain personnel parce que mes relations familiales ne regardent que moi et ma famille, pas l’espace public. À l’époque d’ailleurs où j’étais encore au FN, Marine Le Pen n’a pas hésité à imposer sa ligne et sa stratégie contre le courant d’idées auquel j’appartenais, y compris parfois de façon très dure, en dépit de notre relation familiale. Elle a d’ailleurs également suivi cette discipline à l’égard de Jean-Marie Le Pen lorsqu’elle a décidé de l’exclure du mouvement qu’il avait fondé.
Si je n’ai pas toujours partagé ses choix, je les comprends et j’admets la légitimité de faire passer ce qu’on croit juste avant d’autres considérations plus personnelles. Je ne fais pas autre chose aujourd’hui.
L’annonce de votre soutien à Éric Zemmour est-elle aussi celle de votre retour en politique ?
Cela fait plusieurs mois que je me sens bouillir face à la situation de notre pays. Face à l’aggravation de la situation en France, les indignations que je ressens en observant l’actualité, j’arrivais de moins en moins à rester dans un rôle d’analyse. Évidemment, l’enjeu vital de la présidentielle a encore attisé cette envie d’engagement et ce sentiment de responsabilité. Mon engagement dans la campagne présidentielle en soutien d’Éric Zemmour va donc être actif et total. Et oui, on peut considérer que c’est un retour durable dans l’action politique. Je sais que ce sont les circonstances, les évènements, les électeurs qui décident de cela, mais j’ai le souhait de participer de toutes mes forces au redressement de notre pays.
Quelle forme votre retour en politique va-t-elle prendre ? Êtes-vous candidate aux prochaines élections législatives ? Avez-vous l’intention de créer votre parti ?
Au delà de mon rôle actif au côté d’Éric Zemmour, je ne peux pas dire si je serai moi-même candidate aux élections législatives. D’abord, pardonnez cette confidence, je suis censée accoucher aux alentours du second tour de cette élection.
Ensuite parce que ce n’est pas l’enjeu immédiat, ni Éric Zemmour, ni moi-même ne sommes les yeux rivés sur cette étape. Une fois l’élection présidentielle passée, c’est à ce moment qu’il faudra construire une majorité présidentielle. J’espère pouvoir y contribuer efficacement.
Il est essentiel de ne pas se tromper d’adversaire. Il s’agit de battre Emmanuel Macron, de mettre fin à son mandat désastreux
Appréhendez-vous la réaction des sympathisants du Rassemblement national, avec ce retour auprès d’Éric Zemmour ?
Faire ce choix a été long et difficile, pour être honnête. Même si je ne suis plus adhérente au RN, j’y ai encore beaucoup d’amis, que ce soient des cadres, des militants et des élus, et en particulier auprès de la fédération du Vaucluse qui a encore aujourd’hui la physionomie avec laquelle je l’ai laissée au moment de mon départ. Je me doute bien que cette décision ne fera pas l’unanimité. Elle sera comprise et soutenue par certains, peut-être critiquée et rejetée par d’autres.
J’entends et je comprends que certains, engagés depuis longtemps sur le terrain pour un candidat, aillent au bout de l’aventure avec lui. Les avis autour de moi ont été très partagés mais lorsque l’on prend une décision, on est toujours seul face à elle. Je fais ce choix parce que j’ai la conviction que c’est le bon pour le pays.
Quel que soit l’issue de cette élection, j’ai la conviction que viendra le temps de nous rassembler, y compris avec tous ceux qui ne partageront pas mon choix dans l’immédiat. C’est pourquoi il est essentiel de ne pas se tromper d’adversaire. Il s’agit de battre Emmanuel Macron, de mettre fin à son mandat désastreux, d’en finir avec la politique de déconstruction qu’il incarne. Je suis heureuse de voir chez Éric cette lucidité. Il tend la main à tous et notamment au RN quand il déclare par exemple que Marine Le Pen pourrait intégrer son gouvernement ou qu’il souhaite des alliances aux législatives.
Nous avons vu Guillaume Peltier venant des Républicains et Nicolas Bay du RN intégrer Reconquête!, en ayant comme titre celui de vice-président exécutif. Est-ce que dans le cadre de vos discussions avec Éric Zemmour, il est convenu que vous ayez une place dans l’organigramme ?
Je n’ai pas demandé à intégrer le parti, même si j’y trouve des gens très bien que je connais depuis un moment pour certains et avec qui j’ai partagé de nombreux combats. J’ai souhaité pouvoir garder ma liberté de parole et d’action. Après cinq ans loin de la politique électorale, j’avoue que j’ai pris goût à l’autonomie et à la liberté que j’ai vécu dans le monde de l’entreprise.
Quel rôle entendez-vous jouer dans la campagne ?
Je pense pouvoir apporter l’expérience que j’ai acquise lors des quelques campagnes électorales au niveau national et local que j’ai pu mener ou superviser. Ensuite, je souhaite apporter une voix complémentaire dans la campagne et le débat public, à travers les médias, des déplacements, des rencontres.
J’ai également de nombreux sujets politiques qui me tiennent à cœur. J’espère pouvoir contribuer à enrichir le projet et apporter des solutions sur ces sujets.
Ce qui est intéressant chez Éric Zemmour c’est que, précisément, il n’est pas un homme politique. C’est ce qui fait la force de son tempérament et la particularité de son caractère. Et il ne cherche pas à jouer à l’homme politique omniscient et omnipotent. Dès le départ, il a accepté et encouragé l’idée de laisser s’exprimer des sensibilités différentes, de faire vivre les complémentarités pour pouvoir les agréger dans un projet commun. Chose qui malheureusement est inexistante dans le fonctionnement du RN, comme les départs successifs l’ont démontré — et je ne parle pas seulement des plus récents, mais aussi du mien ou de celui de Florian Philippot. Je me retrouve totalement dans cette démarche. J’espère pouvoir être un instrument utile dans le cadre de ce grand orchestre qui est en train de se mettre en place, et qui, à l’issue, j’en suis sûre, donnera une musique harmonieuse et, j’en suis convaincue, victorieuse pour notre pays.