Tribune – Transformons le Black Friday en Vendredi tricolore

Tribune dans L’Opinion le 25 novembre 2022

« L’Etat a tendance à se substituer aux acteurs privés ou à distribuer des chèques pour porter à bout de bras des secteurs, en redonnant d’un côté ce qu’il taxe de l’autre. Il devrait plutôt mettre en place un environnement fiscal, réglementaire et éducatif clair, simple, stable »

Le Black Friday est de retour. Un tiers des achats de Noël se fera à cette occasion, très majoritairement en produits low cost et polluants. C’est le jour de gloire du made in China !

Face à cette vague, des opérations alternatives se frayent un chemin comme le #BleuBlancRougeFriday ou #LesJoursTricolores. L’idée est simple : avec sa carte bleue, chacun peut participer à relocaliser Noël en achetant des produits fabriqués en France. Acheter français, c’est donner du sens à ses achats en contribuant à protéger l’environnement, à créer de l’emploi, à stimuler l’innovation, à transmettre nos savoir-faire.

Le Black Friday est de retour. Un tiers des achats de Noël se fera à cette occasion, très majoritairement en produits low cost et polluants. C’est le jour de gloire du made in China !

L’Opinion – 25 novembre 2022

Si le made in France revient aujourd’hui en force dans les choix de consommation des ménages, 64% d’entre eux achetant davantage français depuis la crise sanitaire, il n’en demeure pas moins que cette part de marché reste faible dans de nombreux secteurs. La Fédération indépendante du made in France affirme que la part de produits fabriqués en France représente 3 % des vêtements et des bijoux vendus sur le territoire, 5 % des jouets et 1 % de l’horlogerie. Notre balance commerciale est particulièrement déséquilibrée par les produits manufacturés, qu’il s’agisse du secteur de l’automobile (-16 milliards d’euros), du textile et de l’habillement (-9,6 milliards d’euros) ou des produits électroniques (-4,6 milliards d’euros pour les smartphones). Ces chiffres, bien qu’inquiétants, ne sont pas pour autant une fatalité, à condition de passer des déclarations d’intention aux actes.

L’opportunité est immense : chaque produit fabriqué en France génère dix fois plus d’emplois directs et indirects sur le territoire et deux fois moins de carbone que leurs produits concurrents importés.

« Small business act ». Pour relever les défis environnementaux, le made in France est un atout incomparable grâce à notre mix énergétique et aux faibles distances parcourues par les produits. En 2023, ce sont 19 milliards d’euros qui seront consacrés à la transition écologique. Cette manne budgétaire colossale pourrait être un puissant levier de réindustrialisation en avantageant des solutions françaises. Aux Etats-Unis, par exemple, un système de prime favorise les véhicules made in USA. Pourquoi en France, une voiture électrique produite à l’étranger devrait-elle bénéficier du même bonus écologique qu’une voiture fabriquée sur le territoire ?

Souvenons-nous de la filière photovoltaïque française, laminée par l’importation massive et à prix cassés de panneaux solaires chinois gavés de subventions étatiques. Ne reproduisons pas cette erreur fatale.

Face à cette distorsion de concurrence, l’une des premières mesures qui devrait être mise en place est la traçabilité obligatoire de tous les produits, et pas seulement des produits alimentaires non transformés. Ce marquage est un complément indispensable aux contrôles et aux labels pour éclairer le choix du consommateur et protéger nos savoir-faire.

D’autant plus que l’exportation de ces savoir-faire est rendue particulièrement difficile par la conjoncture. La crise énergétique a multiplié les prix de l’électricité par cinq en Europe, quand ils restent stables aux Etats-Unis, entraînant de facto un avantage aux entreprises d’outre-Atlantique. Le recours à des mesures protectionnistes ciblées ne doit plus être un tabou pour la Commission européenne. Taxer l’éloignement et détaxer la proximité devrait être un réflexe économique dans les filières qui peuvent exister localement.

Aux Etats-Unis toujours, un Small business act rend les entreprises nationales prioritaires sur les marchés publics. Qu’attend Bruxelles pour autoriser les Etats membres à faire de même ?

Chaussettes alsaciennes. Trop souvent, l’Etat français a la fâcheuse tendance à se substituer aux acteurs privés ou à distribuer des chèques pour porter à bout de bras des secteurs, en redonnant d’un côté ce qu’il taxe très largement de l’autre. Sa mission devrait plutôt se concentrer sur la mise en place d’un environnement fiscal, réglementaire et éducatif favorable, parce que clair, simple, stable et facile à anticiper.

Un Etat qui surtranspose sans cesse des textes européens déjà contraignants, et qui porte à 44,5% du salaire les cotisations sociales et autres coûts à la charge de l’employeur, faillit à sa mission. Alors que les prélèvements obligatoires sont à leur niveau le plus élevé depuis trente ans, il est urgent d’accélérer la réduction des impôts de production qui grèvent la compétitivité de nos entreprises.

A cela, s’ajoutent les problématiques de recrutement. Selon l’Insee, 67 % des chefs d’entreprise dans l’industrie manufacturière disent avoir des difficultés à trouver des profils adéquats. La réindustrialisation passera nécessairement par une relance massive de l’apprentissage et des filières professionnelles, tout en faisant davantage correspondre les formations de l’Enseignement supérieur avec les besoins du marché du travail local. Baisser le coût du travail, c’est aussi donner la possibilité aux employeurs de rendre ces métiers plus attractifs par des salaires adaptés.

Reste enfin aux Français de faire les bons choix. Je retiens cette phrase d’un fabricant de chaussettes alsaciennes au Salon du made in France : « Si l’ensemble des Alsaciens se chaussaient avec notre marque locale, il n’y aurait plus de chômage en Alsace ». Alors qu’attend le gouvernement pour encourager et aider les Français à acheter français ?

Photo de Marion Maréchal

Marion MARÉCHAL,
Vice-présidente exécutive de Reconquête,
co-fondatrice de l’ISSEP