« Evergreen est partout ».
En mai 2017, une université américaine du nom d’Evergreen fait parler d’elle. Ce collège dédié aux sciences humaines et socialessitué dans l’Etat de Washington se veut le fer de lance du progressisme. Toutes les idéologies du moment y sont défendues et enseignées : théorie du genre, militantisme LGBT, néo-féminisme, antiracisme « intersectionnel », décolonialisme, « privilège blanc » et cancel culture. Au début de l’année scolaire, les enseignants sont invités à se présenter aux étudiants en donnant leur sexe, leur race, leur « genre » et leur orientation sexuelle. L’objectif est de les forcer à reconnaître publiquement les éventuels « privilèges » dont ils pourraient bénéficier du fait de leurs « identités ». Au sommet de cette hiérarchie des privilégiés se trouve bien sûr l’homme blanc hétérosexuel et chrétien sommé de faire repentance pour son statut de persécuteur face aux minorités opprimées.
L’histoire finit par déraper en 2017 lorsque la direction décide d’organiser un « day of absence » durant lequel les enseignants et élèves blancs sont priés de ne pas se rendre sur le campus afin de se « sensibiliser » aux questions raciales. L’un des professeurs, Breit Weinstein, pourtant démocrate et soutien du candidat de gauche Bernie Sanders, dénonce dans un mail cette initiative discriminatoire et raciste.
Commence alors une terrible campagne d’intimidations, de menaces à l’encontre du professeur par une minorité d’étudiants d’extrême gauche accusant ce dernier de racisme à l’égard des minorités dites « racisées ». L’établissement va alors sombrer dans l’anarchie, les enseignants seront terrorisés, la direction humiliée et forcée de se soumettre. L’intervention des forces de l’ordre sera nécessaire et le professeur attaqué finira par démissionner. Il déclarera devant le congrès en 2020 au sujet de la liberté d’expression : « Ma femme et moi avons vécu une véritable tornade personnelle qui était annonciatrice de la tornade qui a balayé tout le pays. Evergreen est maintenant partout. »
Les Universités incubatrices de l’idéologie « diversitaire ».
Le cas d’Evergreen est malheureusement loin d’être isolé. L’impératif « diversitaire » est devenu la clef de voûte du système universitaire aux Etats-Unis. Cette diversité est imposée au forceps entrainant de nouvelles formes de ségrégation en créant par exemple des dortoirs réservés aux Noirs. Les politiques dites de « discrimination positive » écartent des élèves d’origine asiatique brillants, recalés pour céder leur place à des candidats issus de minorités considérées comme moins « privilégiées ». Les critères de sélection deviennent uniquement raciaux et marginalisent la question sociale en refusant de prendre en compte la pauvreté dont pourraient souffrir des citoyens d’origine européenne.
De même, en France, l’un des plus importants syndicats étudiants appelé l’UNEF, organise des réunions « non-mixtes racisées » interdites aux blancs avec la bénédiction de la direction de l’université.
Ce racisme décomplexé à l’égard des personnes blanches souvent accompagné d’une haine profonde pour la culture européenne fut particulièrement visible en 2019, à l’occasion de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ce drame national, qui a bouleversé des millions de Français, a donné lieu sur Twitter à un festival d’insultes contre la France de la part de responsables nationaux de l’UNEF. Hafsa Askar, l’une de leurs vice-présidentes, s’est particulièrement illustrée à cette occasion : « Je m’en fiche de Notre Dame de Paris car je m’en fiche de l’histoire de France je sais pas quoi ». Quelques minutes plus tard, elle renchérissait : « Jusqu’où les gens vont pleurer pour des bouts de bois ? Wallah vous aimez trop l’identité française alors qu’on sen balek objectivement c’est votre délire de petits blancs ». [Orthographe d’origine]
Sur son compte Twitter, Hafsa Askar avait déjà fait étalage de sa haine des blancs: « Les blancs inventent leur racisme pour dominer les autres, et maintiennent leur privilège à travers les siècles » mais encore : « On devrait gazer tous les blancs cette sous race. »
Ce torrent d’injures n’a pas empêché Le New York Times, grand média américain, de qualifier en ces termes ce syndicat dans un article élogieux : « L’UNEF, un syndicat qui se place à l’avant-garde des mutations françaises. »
« Racisme systémique » et « culpabilité blanche » à l’assaut de l’enseignement supérieur.
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, nous devons mesurer ce qui est déjà à l’œuvre outre-Atlantique. Les concepts, particulièrement discutables, de « privilège blanc » et de « racisme systémique » ou « structurel » se sont peu à peu imposés dans les milieux intellectuels et de la recherche. Ces idées prétendent que les inégalités raciales aux États-Unis sont le produit d’institutions intrinsèquement discriminatoires et d’un racisme inhérent à la culture occidentale « blanche ».
Une célèbre sociologue américaine, Robin Di Angelo, très en vue dans les milieux progressistes, a accouché du fameux concept de « fragilité blanche ». Cette théorie prétend que les blancs bénéficieraient tous inconsciemment du racisme. Elle pousse la perversité du raisonnement jusqu’à affirmer que l’indignation d’une personne blanche confrontée à l’accusation de racisme est en réalité le reflet de sa volonté inconsciente de perpétuer son système de « domination »…
Ces théories toxiques servent de socle à des politiques discriminatoires, à une lecture racialiste de la société et justifient la destruction de l’héritage européen et occidental.
« La civilisation occidentale doit disparaitre »
Ce slogan (en anglais : Western Civilisation has got to go) date de 1987 ; il est devenu aujourd’hui un véritable programme sur de nombreux campus. En pratique, il consiste à traquer et dénoncer tout ce qui est considéré comme trop européo-centré. A l’Université d’Oxford en Angleterre, des cours de musique classique ont été jugés « colonialistes » par des enseignants qui ont appelé à la suppression d’œuvres musicales « européennes et blanches » du programme. Aux États-Unis, ce sont les études sur l’Antiquité ou les grands classiques de la littérature, considérés comme source la « blanchité », qui ont été pris pour cibles. Une enseignante du Massachusetts s’est ainsi dite « très fière » d’avoir retiré L’Odyssée d’Homère du programme scolaire afin de rendre ce dernier plus « inclusif ».
En France, « les nouveaux antiracistes » commencent déjà à imiter ces revendications en s’appuyant sur la sempiternelle repentance coloniale et la mémoire sélective de l’esclavage. Les Européens, et en particulier les Français, sont enjoints à la contrition pour leur « mentalité coloniale » qui ne serait que la continuité de leur passé colonial.
C’est ainsi qu’à la Sorbonne, la tenue d’une pièce de théâtre, les Suppliantes d’Eschyle, a été annulée sous la pression de « défenseurs de la cause noire » pour cause de « black face », au prétexte qu’il serait intolérable que des acteurs blancs utilisent des masques noirs pour personnifier les Danaïdes.
Loin d’être le sanctuaire attendu, pourtant gardienne des savoirs et des héritages, préservée des modes et des passions de l’époque, l’Université se place au contraire bien souvent du côté des déconstructeurs.
L’œuvre de déconstruction, particulièrement active dans la recherche et l’enseignement en sciences sociales, finit par irriguer l’ensemble de la société. Le bicentenaire de la mort de Napoléon, qui vient d’être commémoré, a provoqué de nombreuses polémiques. Les activistes obsessionnels de la race et du genre souhaitent « annuler » l’héritage de Napoléon jugé raciste et misogyne.
La direction d’une célèbre école de commerce française a même annulé la venue d’un historien spécialiste de l’Empereur, invité par les étudiants, au prétexte de ne pas « valoriser l’héritage napoléonien en cette période » avant de se cacher derrière les « restrictions sanitaires ».
L’objectif est clair : la disparition du passé, sa réécriture à la sauce diversitaire, la désoccidentalisation du savoir autrement dit l’ « annulation » de la culture européenne. Le déboulonnage des statues dans les rues françaises ou américaines n’est que la manifestation incarnée et spectaculaire de la destruction minutieuse des savoirs dans les écoles.
La terreur intellectuelle organisée par l’islamo-gauchisme.
Cette œuvre de dissolution de l’histoire et de la culture européennes prend une teinte toute particulière en France sous le vocable d’ « islamo-gauchisme ». Ce terme, forgé dans les années 2000 par un sociologue français Pierre-André Taguieff, désigne « les convergences idéologiques et les alliances militantes entre islamistes et gauchistes ». L’auteur constate d’abord son développement à l’occasion de la seconde intifada autour d’un antisionisme radical commun et de la cause palestinienne, puis le voit muter petit à petit pour se concentrer sur la défense des musulmans et la lutte contre « l’islamophobie ». Bref, l’Occident « mécréant-islamophobe » (pour les islamistes) ou « capitaliste-raciste » (pour les gauchistes) est toujours le seul coupable », résume Taguieff.
Ce terme d’ « islamophobie » élaboré par les Frères Musulmans, et largement relayé par l’extrême gauche, aboutit à la restauration d’une forme de délit de blasphème. Toute critique éventuelle de l’islam est dorénavant perçue comme une attaque envers les musulmans et donc assimilée à du racisme. Le soi-disant « racisme d’Etat » dénoncé par les antiracistes devient de « l’islamophobie d’Etat » selon la même logique. C’est ainsi que les combats « intersectionnels » des néo-féministes, partisans du genre, islamistes et gauchistes prennent corps contre l’ennemi commun : le mâle blanc chrétien hétérosexuel.
Depuis lors, ce phénomène diffus se révèle par de multiples manifestations à l’université. Cette dérive frappe en particulier la sociologie, la science politique, la littérature comparée, les départements d’anglais, etc. Comme l’explique toujours Pierre-André Taguieff : « Il y a ensuite l’ensemble des « Studies » à l’américaine (« Gender Studies », « Queer Studies », « Postcolonial Studies », « Cultural Studies », etc.), qui sont le plus souvent des modes d’institutionnalisation de courants idéologiques d’extrême gauche ralliés au décolonialisme, dont le projet est de « décoloniser » les sciences sociales, c’est-à-dire, en clair, de les détruire. »
Ces déconstructeurs sont parvenus à phagocyter les jurys de thèses et favorisent ainsi les enseignants-chercheurs qui participent de cette obsession de la race et du genre, les fameuses études postcoloniales, le tout idéalement en écriture inclusive. Cette hégémonie favorise la sélection idéologique du monde universitaire et encourage l’auto-censure ou conduit à la marginalisation des éventuels opposants.
L’orientation des enseignements, la censure, les cours supprimés, les annulations de conférences, les professeurs dissidents jetés aux gémonies, les « mal pensants » mis au ban de la bonne société universitaire, deviennent le quotidien de nombreux établissements.
Le lavage de cerveau de nos élites.
Ces mouvements radicaux sont souvent présentés comme minoritaires et marginaux. Il n’en est rien. Comme le trotskisme en son temps, ces courants radicaux sont devenus quasi-hégémoniques dans plusieurs départements universitaires, ils donnent le ton dans les milieux intellectuels en vue, ils sont relayés par des militants ou syndicats offensifs et violents, ils trouvent un écho particulièrement important et favorable dans les médias.
Surtout, ils sont enseignés sans contradiction à des générations de jeunes étudiants qui se voient pris en otage par cette lecture binaire et racialiste de la société.
Nos futures élites, économiques ou politiques, ne sont pas épargnées, loin s’en faut. Les Grandes écoles internationalisées sont le plus souvent à l’avant-poste des idéologies progressistes et postcoloniales.
Cette « cancel culture » aboutit à la mort du débat, à la disparition de l’esprit critique, à la destruction de la langue, à la mort de l’intelligence et de la raison. Avec elle, ce n’est pas seulement la culture qui sera « annulée » mais toute notre civilisation.
Article publié dans le journal hongrois Mandiner.