Depuis mon lieu de confinement, j’observe avec attention et inquiétude ce que cette crise du coronavirus révèle de l’état de notre pays. Occultant totalement la pression migratoire aux portes de la Grèce ou le débat sur les retraites, cette pandémie ébranle nos certitudes et met en lumière nos multiples faiblesses. Au-delà des mesures immédiates qu’impose l’extinction de cet incendie sanitaire, il sera aussi temps de nous pencher sur les solutions structurelles qui devront suivre ce drame.
La France, le jour d’après
J’assiste, heure après heure, au défilé des experts, politiciens, journalistes sur les plateaux de télévision.
Je les entends constater et déplorer la désindustrialisation de la France devenue incapable de produire des masques et des respirateurs sur son territoire. La menace de dizaines de milliers de morts leur ouvre enfin les yeux sur les vertus de l’indépendance nationale. Cet objectif politique, recherché par toute grande nation, n’est pas un simple slogan réactionnaire, mais la liberté de ne pas être soumis au bon vouloir de pays étrangers pour sa survie. La France, sixième puissance mondiale, se voit contrainte de quémander l’aide de la Chine pour recevoir en urgence 1 million de masques. Que serait-il advenu de cette précieuse livraison si les Chinois n’étaient pas parvenus à endiguer l’épidémie sur leur sol ?
Gouverner c’est prévoir. Exercer le pouvoir, c’est anticiper dans sa globalité et non se contenter d’appliquer à la lettre, et en dernière minute, les préconisations « des scientifiques », pour reprendre un élément de langage inlassablement déroulé par nos ministres depuis plusieurs jours. L’Élysée n’est pas l’académie des sciences, pas plus qu’il ne devrait être une chambre de commerce. Nos gouvernants apprennent, à leurs dépends, ce qu’est l’action politique, la vraie. Eux qui espéraient que l’économie, ouverte de préférence, puisse pacifiquement régenter le monde et organiser les sociétés redécouvrent que c’est la décision humaine et non les flux livrés à eux-mêmes qui font l’Histoire et le devenir d’une Nation.
Je les écoute s’inquiéter du risque de pénurie de médicaments, feignant de découvrir que la mondialisation économique a entrainé la délocalisation de nombreuses activités stratégiques, pour ne pas dire vitales, à l’étranger. Les mêmes qui, jusqu’alors, préconisaient une économie de service et à « haute valeur ajoutée » comme seule solution compétitive, saisissent enfin que l’agriculture, la santé, l’énergie, la défense sont autant de secteurs que nous devons maitriser dans un monde en tension et aux ressources finies.
La nécessité de relocaliser des pans essentiels de l’économie prend à ce jour une acuité particulière. Mais cela implique de tourner la page du logiciel économique de l’OMC des années 90 consciencieusement appliqué par l’UE et scolairement ingéré à l’ENA dont Emmanuel Macron est le pur produit.
Je les vois s’indigner de l’augmentation soudaine du prix du gel hydroalcoolique et des masques. Encore un effort, et ils découvriront le principe du capitalisme dans une société où l’individualisme est devenu la norme. Cet individualisme qu’ils chérissent tant, eux qui ont rejeté toute morale commune, toute transcendance, eux qui ont érigé le désir et la liberté individuelle comme fondation de la démocratie libérale et qui ont minutieusement détruit la matrice nationale, vecteur naturel de fraternité.
Alors que les commentaires ne tarissent pas sur la « légèreté » des promeneurs parisiens face au danger de contagion, rares sont ceux qui dénoncent l’incivisme indécent de la population de nombreux quartiers tels que Barbès, Château Rouge ou la Chapelle où les règles de confinement sont allègrement bafouées. 10 % des amendes dressées mercredi dans le pays le furent en Seine-Saint-Denis, un triste record. Seuls les réseaux sociaux témoignent ,une fois de plus, de la désinvolture de ces territoires vis-à-vis des lois de la République et de la solidarité nationale.
Même le confinement ne parvient pas à éteindre les braises toujours chaudes des banlieues qui profitent de la situation pour organiser des pillages et des guets-apens contre des forces de l’ordre excédées. La menace sur la vie de nos concitoyens vulnérables ne suffit toujours pas à convaincre le gouvernement de faire preuve de force et d’intransigeance. Plusieurs témoignages de policiers font état d’ordres enjoignant de ne pas intervenir dans certains quartiers pour éviter tout embrasement. Il faut croire que l’exposition aux LBD est le triste privilège des Gilets jaunes. Ces zones de non-droit mettent en péril l’ensemble de la population. Si nous sommes en guerre alors il ne devrait y avoir aucun scrupule à y généraliser le couvre-feu ou à faire intervenir l’armée en appui des forces de l’ordre.
Je regarde le Président singer le chef de guerre pour tenter vainement de se hisser à la hauteur des événements. Il n’en fallait pas moins après son incroyable décision du maintien des élections, sa sortie théâtrale et les déclarations de son ancienne, et rancunière, ministre de la Santé.
Je le regarde m’enjoindre de me laver les mains et de ne pas céder aux sirènes du « repli nationaliste » pendant que tous nos voisins, eux, ferment leurs frontières un à un. La soupe sans-frontiériste devient particulièrement indigeste dans un tel moment.
La faillite de l’État
Pendant ce temps, nos soignants sont sur le pont sans compter leurs heures, s’exposent à la contamination, sont confrontés à des choix éthiques douloureux faute de pouvoir soigner tous les malades. Certains d’entre eux, à la retraite, reprennent temporairement du service pour soulager les équipes actuelles. Les services de réanimation sont saturés faute de place et de matériel.
Nous assistons, à travers eux et leurs difficultés, à la faillite en direct d’un État.
Comment est-il possible qu’aucun scénario de crise n’ait été anticipé pour ce type de menace sanitaire ? Comment un État qui dépense près de 200 milliards pour sa branche maladie de la sécurité sociale et distribue prés 741 milliards de prestations sociales par an, peut-il être incapable de fournir des masques à son personnel soignant , à ses forces de l’ordre ou de tester massivement sa population ?
Il faut bien admettre que la responsabilité n’incombe pas seulement au gouvernement d’Emmanuel Macron mais remonte au moins aux années Chirac.
Peut-on continuer avec cet État inapte à remplir ses missions fondamentales : stratégie, crise, ordre, approvisionnement, alors même qu’il prélève 50 % de la richesse nationale aux citoyens ?
Rien de surprenant que le consentement à l’impôt se porte si mal dans notre pays.
La pénurie de masques ou d’équipements n’est d’ailleurs pas le seul facteur explicatif. Bien
gérées, des ressources limitées auraient permis de parer au plus pressé, en attendant de
développer ou d’acquérir les éléments qui manquaient à notre dispositif. Mais les dirigeants actuels n’ont pas plus d’esprit de méthode que de capacité à gérer correctement les deniers publics.
Il est vrai que la fragilisation de l’hôpital public ne date pas d’hier. Le mouvement des Gilets jaunes, premières victimes de l’effondrement de ce service public, en fut un des symptômes. Fermeture d’établissements, saturation des urgences, personnels sous-payés, manque de médecins, déserts médicaux, suppression de lits d’hospitalisation (4200 d’hospitalisation complète rien qu’en 2018), bureaucratie lourde et complexe. Notre pays ne peut offrir que six lits d’hôpital pour mille habitants, soit une baisse de 30 % depuis 1996.
Voici le résultat de lois absurdes comme les 35h ou les réformes consistants notamment à vouloir appliquer à un secteur en dehors des règles du marché… les règles du marché.
Nous payons des décennies de choix politiques qui ont sacrifié la puissance nationale et le régalien sur l’autel d’un État-providence ruiné par l’immigration, d’une administration pléthorique et des dogmes de l’Union européenne.
Soutenir les vrais acteurs de l’économie française
C’est en période de crise que nous mesurons la solidité et la capacité de résilience d’une société. La nôtre, manifestement, ne parvient plus à faire face aux défis du 21ème siècle.
Nous assistons aux convulsions d’un système inique : celui d’un capitalisme financier, un capitalisme d’Etat dévoyé qui privatise les profits et nationalise les pertes des grandes entreprises. C’est ainsi que nous apprenons que la BPI, la Banque Publique d’investissement, va investir dans le CAC 40 pour protéger les groupes affaiblis par les circonstances. Des circonstances que certains de ces grands groupes ont eux-mêmes alimentées en encourageant les pouvoirs publics à promouvoir une économie internationalisée. Car ce virus est bien le virus de la mondialisation dont ils ont tiré profit. Ces mêmes grands groupes qui ne produisent plus d’emplois en France, ou si peu, et qui ont délocalisé une grande partie de leurs activités en même temps que leurs impôts. C’est pourtant l’argent public qui viendra les soutenir comme, il y a dix ans, durant la crise financière, furent sauvées les banques sans aucune contrepartie.
Les TPE et PME, quant à elles, auront tout juste le droit de reporter le paiement de leurs taxes et impôts. Ce sont eux, pourtant, qui vont encaisser le choc de la mise à l’arrêt de notre économie. Ce sont les chefs d’entreprise, les industriels, les artisans, les commerçants qui vont porter à bout de bras sur leurs finances les décisions politiques prises en haut lieu. C’est sur eux que reposera la résistance de la société française à cette épreuve.
Allo l’Union européenne ?
Et comme à son habitude, l’Union européenne n’est pas au rendez-vous. L’UE, cette serpillère d’Erdogan fait de nouveau la magistrale démonstration de son inutilité, elle pourtant si prompte à agir quand il s’agit de faire plier la Grèce. Après avoir enjoint les États à ne fermer les frontières « qu’en ultime recours », l’UE s’est mollement mise en marche et fera voter dans les jours à venir une « initiative d’investissement en réaction au coronavirus ». Il aura malgré tout fallu attendre la décision et l’autorisation de l’Allemagne pour activer ces dispositifs et pour qu’enfin la BCE engage des rachats massifs de titres d’État sous la pression conjuguée de la France, de l’Italie et de l’Espagne.
Une bonne leçon de rapports de force dont nos gouvernants feraient bien de se souvenir à l’avenir… la fameuse alliance latine dont je parlais récemment, à Rome, à l’occasion de la conférence transatlantique sur le « National conservatism ».
Les nations ont, une fois de plus, démontré qu’elles étaient incontournables quoiqu’en pensent les adeptes des organisations supranationales.
Près de 30 ans de construction européenne au forceps pour voir la « solidarité » entre États membres se fracasser sur le rocher de la première grande crise sanitaire.
La Chine est venue en aide à l’Italie avant la France et pendant ce temps, Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, donnait des leçons aux Italiens. Angela Merkel ne fait même plus semblant de jouer collectif et n’a pas prononcé une seule fois le mot « Europe » dans le discours adressé à ses concitoyens.
Combien de chocs financiers, économiques, sanitaires, migratoires faudra-t-il encore pour que nos dirigeants comprennent enfin que cette « union » européenne est une mascarade ? Que l’indépendance européenne, à laquelle la France aspire, est un rêve que beaucoup de nos voisins ne partagent pas? Que l’émergence d’une puissance européenne est un vœ pieux dans la structure et les règles actuelles ?
Cette défaillance est d’autant plus dramatique que nous voyons s’exercer de manière spectaculaire la puissance asiatique. Chacun aura pu constater la capacité du Japon, de Hong-Kong, de Taïwan, de la Corée du Sud ou de Singapour à endiguer le phénomène de contagion, l’efficacité de leur système hospitalier et surtout leur incroyable avance technologique. Face aux carences de l’UE, les pays comme l’Italie ou la Serbie se tournent vers la Chine qui a aujourd’hui les capacités de production auxquelles nous avons renoncé…
Cette crise sonne comme un avertissement. Ces pays sont à ce jour et à bien des égards plus développés que nous ne le sommes alors que certains, comme la Corée du Sud, étaient encore des pays du tiers-monde en 1950…
Il est encore temps de redresser la barre du bateau France.
Une bonne nouvelle au moins : l’espace Schengen se disloque, le pacte de stabilité explose et Emmanuel Macron va pouvoir prétexter de cette crise pour justifier la récession économique et injecter des milliards dans l’économie.
Encore serait-il heureux que cette dette, dont l’aggravation pèsera sur les épaules de nos petits-enfants, soit déployée en priorité au service de l’économie française pour reconquérir des domaines stratégiques ( sanitaire, pharmaceutique, alimentaire, militaire, énergétique) et pour investir sur les secteurs d’avenir ( infrastructures, recherche, innovation, éducation).
Il est probable que le déblocage par l’Allemagne de 500 milliards d’euros pour faire face au coronavirus ne se limite pas aux simples dépenses de santé…
Il est temps, dans cette période difficile, de redéfinir les priorités de l’État, de redonner à la France son autonomie et de remettre à plat le système européen.